Françaises, français,
Vous à qui si souvent j'ai parlé pour la France, sachez que votre réponse dimanche va engager son destin. Parce que, d'abord, il s'agit d'apporter à la structure de notre pays un changement très considérable.
C'est beaucoup, de faire renaitre nos anciennes provinces, aménagées à la moderne, sous la forme de régions. De leur donner les moyens nécessaires, pour que chacune règle ses propres affaires, tout en jouant son rôle à elle dans notre ensemble national, d'en faire des centres où l'initiative, l'activité, la vie, s'épanouit sur place.
C'est beaucoup de réunir le Sénat et le Conseil Economique et Social en une seule assemblée, délibérant par priorité et publiquement de tous les projets de loi, au lieu d'être, chacun de son côté, réduit à des interventions obscures et accessoires.
C'est beaucoup d'associer la représentation des activités productrices et les forces vives de notre peuple à toutes les mesures locales et législatives, concernant son existence et son développement.
Votre réponse va engager le destin de la France. Parce que la réforme fait partie intégrante de la participation qu'existe désormais de l'équilibre de la société moderne.
La refuser c'est s'opposer à cette transformation sociale, morale, humaine. Faute de laquelle nous irons à de désastreuses secousses. L'adopter, c'est faire un pas décisif sur le chemin qui doit nous mener au progrès dans l'ordre et dans la concorde en modifiant profondément nos rapports entre français.
Votre réponse va engager le destin de la France. Parce que si je suis désavoué par une majorité d'entre vous, solennellement sur ce sujet capital et quel que puisse être le nombre, l'ardeur de l'harnais de ceux qui me soutiennent et qui de toute façon détiennent l'avenir de la patrie. Ma tache actuelle de chef de l'Etat deviendra évidemment impossible et je cesserais aussitôt d'exercer mes fonctions...
Alors, comment sera maitrisé la situation résultant de la victoire négative ? De toutes ces diverses disparatres et discordantes oppositions, avec l'inévitable retour au jeu des ambitions, illusions, combinaisons et trahisons dans l'ébranlement national que provoquera une pareille rupture ?
Au contraire, si je reçois la preuve de votre confiance. Je poursuivrais mon mandat. J'acheverais, grace à vous, par la création des régions et la rénovation du Sénat, l'oeuvre entreprise, il y a dix années, pour doter notre pays, d'institutions démocratiques adaptées au peuple que nous sommes, dans le monde où nous nous trouvons, et à l'époque où nous vivons.
Après la confusion, les troubles et les malheurs que nous avions traversé depuis des générations, je continuerai avec votre appui, de faire en sorte, quoiqu'il arrive, que le progrès soit développé, l'ordre assuré, la monnaie défendue, l'indépendance maintenue, la paix sauvegardée, la France respectée.
Enfin, une fois venu le terme régulier, sans déchirement et sans bouleversement, tournant la dernière page du chapitre que voici quelque trente-ans, j'ai ouvert dans notre histoire, je transmetterais ma charge officielle à celui que vous aurez élu pour l'assumer après moi.
Françaises, français,
Dans ce qu'il va advenir de la France, jamais la décision de chacune et de chacun de vous n'aura pesé aussi lourd.
Vive la république ! Vive la France !
Allocution du président de Gaulle, le 24 avril 1969.
Transcription de Weiner Marthone
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