Kindle eBook Disponible Biographie
Ma biographie se veut très maigre: Pour l'état
civil: je suis née un 26 juin 1959 à Amiens, dans la
Somme (France) et vis actuellement en Belgique à
Mouscron, ville frontalière.
Pour le salaire: depuis plus de 13 ans, je travaille en
France, dans une agence en marketing direct, comme responsable
de fabrication.
Pour la passion: j'anime, avec mon conjoint relieur, la maison
d'édition de livres objets "L'Ane qui butine".
Pour le plaisir: avec deux amies, nous avons créé les
"Démailleuses", trois femmes qui lisent sur scène leurs propres
textes.
Veritas - Je vous félicite non seulement de nous avoir accordé
cette interview, mais aussi pour "Les Nouvelles noires." Commment
vous est-il venu le dessein d'écrire ce livre?
Anne Letoré - Les "nouvelles noires" sont le regroupement de plusieurs
histoires éditées pour la plupart en revues, suite à des concours,
dont une passée à la radio (France Culture). Chaque texte est une
"vision" écrite très vite (corrigée très lentement!!) de quotidiens
défilés dans la banalité que l'absurde vient nourrir, ou que la
perversité vient rompre. Le point commun était la mort voulue ou
subie.
Veritas - Sur le côté descriptif, que voulez-vous transmettre au lecteur dans
"Bruits de café?"
Anne Letoré - Rien! L'idée d'origine pour cette nouvelle était uniquement
de décrire des sons. Je voulais que la musique des mots soit dépassée
par la musique réelle d'un quotidien de café. Qu'on repire aussi les odeurs.
Et puis, l'écriture filant, l'aveugle est venu, naturellement, clore ce texte.
Cette nouvelle a été montée sur scène. Elle était scandée en voix off
de bruits émis par des voix, qui rappelaient les bris de verres, le
brouhaha de la clientèle... C'était très vivant. Faites l'essaie: entrer
dans un café à l'heure de pointe, asseyez-vous, et entrez dans votre
bulle. Vous découvrirez une immense richesse de sensualité.
L'autre exercice consisterait à imaginer la vie de ces clients après
le café...
Veritas - Je remarque l'usage d'un mot anglais "bookmaker", y aurait
il une sorte d'influence et d'experiences personnelles à ce sujet?
Anne Letoré - Bookmaker... on est joueur ou on ne l'est pas! Dans les
paris, il y a ces supertitions populaires qui m'attirent, une autre
religion inventée par sooi, pour soi uniquement. Oui, je suis très
intéressée par le jeu (casino, cartes, chevaux...) même si je ne
pratique pas!
Veritas - L'apparence est trompeuse, autre que cela quelles leçons
voudriez-vous transmettre dans la série "La Voisine?" Cela tourne
la table du côté des femmes, sur la pudeur, qu'en dirait-on également
des hommes, de leurs qualités morales?
Anne Letoré - A vrai dire, je voulais juste écrire sur les faux
témoignages qui brouillent la piste d'un commissaire de police, et
montrer en même temps les cohabitations singulières qui existent
dans un immeuble. L'autre idée était que le lecteur invente la
mort de la "Voisine" (meurtre? accident? suicide?, si meurtre, de
quelle façon ?...
On sait qu'elle est morte, mais personne ne l'a vraiment vue...
Est-elle morte?) Pour confidence, ce que je souhaitais (sans le
dire) c'était de recevoir des lettres de lecteurs qui auraient
"connu" la voisine! Nous aurions créé ainsi un jeu épistolaire
qui m'aurait bien plu.
J'ai du mal à répondre à la dernière question... En règle
générale, dans mes nouvelles, les femmes et les hommes, et surtout
les enfants, sont hors champ moral puisqu'ils assassinent, mentent,
ou agissent avec perversion, sans tenir compte de la morale et de
la société. Ils ne voient que la leur, peu importe leur sexe ou leur
age. Ils sont des anges! plutôt noirs... La femme du supporter tue
avec détermination pour enrichir sa collection de cheveux, la cliente
de la boulangerie tue pour avoir du pain sans même savoir si elle en
a réellement besoin... Autant de personnages de fiction qui ont leurs
propres qualités morales, leur solitude et leur mesquinerie, leurs
rites et leurs rêves.
Heureux qui ne les connait pas!
Nous remercions nos auteurs français, non seulement pour leur temps,
mais encore pour lesur courage et leur dévouement à faire propager
la langue française dans tous les coins du monde.
Veritas pour eMagazine. Voici quelques passages tirés de son livre
intitulé, Nouvelles Noires.
Fleurir sa vie de petits riens - Bruits de café
Le serveur trébuche. Sur le carrelage, chaque objet tombe avec
un bruit particulier : guttural comme l’écho d’un gong frappé
pour le plateau, sourd et feutré pour les cartons de bière, muet
pour les tickets, précieux et aigu pour les tasses, griffu pour la
carafe, percutant pour les cendriers, mou et plaintif pour les
olives... Les paroles se taisent dans un bruissement étouffé de
vêtements. J’entends les os du serveur craquer quand il se baisse
pour ramasser les morceaux. Puis, il s’en va et revient très vite. Le
crin de son balai caresse le carrelage et fait crisser les bris de
verre. Les conversations reprennent. Deux joueurs de belote
haussent le ton. Les cartes claquent sur le faux marbre. Le
téléphone sonne. Ce n’est pas pour moi ; je suis étranger à cette
ville. Le serveur répond : “Café des Trois Banques, bonjour...
Non Monsieur... Oui, je lui dirai... Belle d’un jour... Troisième...
Non...”. Mon attention est maintenant portée sur mes voisins.
La voix grave : - Il dit comme moi. Belle d’un jour gagnera.
La voix jeune : - Tu parais si sûr sur ce pari.
- Arrête tes stupides jeux de mots. J’ai mes sources.
- Oh ! Elles sont taries, papy !
La voix grave, énervée : - Je te jure, ce coup-ci c’est dans la
poche.
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