dimanche 8 octobre 2023

1907: Récit de voyage signé Clément Magloire...

 Le Bateau à Vapeur "Salvador" vient de mouiller à Santiago de Cuba. Sur le pont de première classe, autour de la table, prennent siège, aréopage sévère et moqueur, le Consul d'Haïti, les employés de la Douane et le médecin du Port, et voici que vers cette table est dirigé le troupeau grouillant des passagers de troisième classe, ce sont les émigrants.

Et d'abord, voici les espagnols venus de la Catalogne: vieux et jeunes, femmes et enfants, vêtus de costumes d'ouvriers, figures souffreteuses où rayonne cependant un peu de joie, la joie d'être arrivés enfin après un long voyage, regards durs où luit un peu d'espoir, l'espoir de moins souffrir, et qui sait? de faire fortune, rablés, gauches et bavards, rappelant les Syriens quand ils vinrent chez nous, les premiers Syriens arrivés en éclaireurs, et dont les rapports enthousiastes firent accourir, de toute les Jérusalem, l'armée de leurs frères misérables, aujourd'hui conquérants superbes de la terre hospitalière et douce d'Haïti.

L'appel des noms commence, chaque émigrant doit payer un dollar pour avoir le droit de descendre, il doit décliner ses noms et prénoms, et dire pour quelle mine ou pour quelle plantation, pour quelle industrie il a été engagé.

L'un après l'autre, ils subissent l'interrogatoire, paient et s'en vont, les hommes portant sur l'épaule, dans un sac grossier, tout ce qu'ils possèdent, les femmes trainant après elles de petits enfants blonds et sales.

Les passagers de première classe attendent avec impatience la fin de cette cérémonie pour avoir leur exéat. Mais quoi! on a fini avec les Syriens, pardon, les Catalans, et voici un autre troupeau qui s'amène, c'est celui des paysans haïtiens, émigrants aussi, hélas, et la scène recommence. Ils sont cent quatre-vingts !

Clément Magloire, Adaptation eMagazine


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