Voici ce qu'écrivait l'éditeur de la dixième édition du livre Démocratie en Amérique au début du XIXe siècle:
"Quelque grands et soudains que soient les événements qui viennent de s'accomplir en un moment sous nos yeux, l'auteur
du présent ouvrage a le droit de dire qu'il n'a point été surpris par eux. Ce livre a été écrit il y a quinze ans, sous la préoccupation constante d'une seule pensée l'avènement prochain, irrésistible, universel de la Démocratie dans le monde. Qu'on le relise on y rencontrera à chaque page un avertissement solennel qui rappelle aux hommes que la société change de
formes, l'humanité de condition, et que de nouvelles destinées s'approchent.
"En tête étaient tracés ces mots:
"Le développement graduel de l'égalité est un fait providentiel. Il en a les principaux caractères; il est universel, il est
durable, il échappe chaque jour à la puissance humaine; tous les événements comme tous les hommes ont servi à son développement. Serait-il sage de croire qu'un mouvement social qui vient de si loin puisse être suspendu par une génération ?
Pense-t-on qu'après avoir détruit la féodalité et vaincu les rois, la Démocratie reculera devant les bourgeois et les riches?
S'arrêtera-t-elle maintenant qu'elle est devenue si forte et ses adversaires si faibles?
"L'homme qui en présence d'une monarchie, raffermie plutôt qu'ébranlée par la révolution de juillet, a tracé ces lignes, que
l'événement a rendu prophétique, peut aujourd'hui sans crainte appeler de nouveau sur son œuvre l'attention du public.
"On doit lui permettre également d'ajouter que les circonstances actuelles donnent à son livre un intérêt du moment et
une utilité pratique qu'il n'avait point quand il a paru pour la première fois.
"La royauté existait alors. Aujourd'hui elle est détruite. Les institutions de l'Amérique, qui n'étaient qu'un sujet de curiosité pour la France monarchique, doivent être un sujet d'étude pour la France républicaine. Ce n'est pas la force seule qui asseoit un gouvernement nouveau; ce sont de bonnes lois. Après le combattant, le législateur. L'un a détruit, l'autre fonde. A chacun son œuvre. Il ne s'agit plus, il est vrai, de savoir si nous aurons en France la royauté ou la république mais il nous reste à apprendre si nous aurons une république agitée ou une république tranquille, une république régulière ou une république irrégulière, une république pacifique ou une république guerroyante, une république libérale ou une république oppressive, une république qui menace les droits sacrés de la propriété et de la famille ou une république qui les reconnaisse et les consacre. Terrible problème, dont la solution n'importe pas seulement à la France, mais à tout l'univers civilisé. Si nous nous sauvons nous mêmes, nous sauvons en même temps nous et les peuples qui nous environnent. Si nous nous perdons, nous les perdons tous avec nous. Suivant que nous aurons la liberté démocratique ou la tyrannie démocratique, la destinée du monde sera différente, et l'on peut dire qu'il dépend aujourd'hui de nous que la république finisse par être établie partout ou abolie partout.
"Or, ce problème que nous venons seulement de poser, l'Amérique l'a résolu il y a plus de soixante ans. Depuis soixante ans
le principe de la souveraineté du peuple que nous avons intronisé hier parmi nous règne là sans partage. Il y est mis en pratique de la manière la plus directe, la plus illimitée, la plus absolue. Depuis soixante ans, le peuple qui en a fait la source commune de toutes ses lois grandit sans cesse en population, en territoire, en richesse; et remarquez-le bien, il se trouve avoir été durant cette période non-seulement le plus prospère, mais le plus stable de tous les peuples de la terre. Tandis que toutes les nations de l'Europe étaient ravagées par la guerre ou déchirées par les discordes civiles, le peuple américain seul dans le monde civilisé restait paisible. Presque toute l'Europe était bouleversée par des révolutions; l'Amérique n'avait pas même d'émeutes la république n'y était pas perturbatrice, mais conservatrice de tous les droits; la propriété individuelle y avait plus de garanties que dans aucun pays du monde l'anarchie y restait aussi inconnue que le despotisme.
"Où pourrions-nous trouver ailleurs de plus grandes espérances et de plus grandes leçons Tournons donc nos regards
vers l'Amérique, non pour copier servilement les institutions qu'elle s'est données, mais pour mieux comprendre celles qui
nous conviennent; moins pour y puiser des exemples que des enseignements, pour lui emprunter les principes plutôt que les
détails de ses lois. Les lois de la République française peuvent et doivent, en bien des cas, être différentes de celles qui régissent les États-Unis, mais les principes sur lesquels les constitutions américaines reposent, ces principes d'ordre, de pondération des pouvoirs, de liberté vraie, de respect sincère et profond du droit, sont indispensables à toutes les républiques ils doivent être communs à toutes, et l'on peut dire à l'avance que là où ils ne se rencontreront pas, la République aura bientôt cessé d'exister. "
L'écriture comme une pensée n'est pas une réalité constante. Le monde change à vol d'oiseau. L'Amérique dont on parlait,
asservissait les Noirs et Alexis de Tocqueville se permettait d'avancer des théories que beaucoup de gens ont cru et pris pour de vraies dans toutes
les institutions scolaires du monde...tant aux EE qu'en Europe. La chaine de télévision C-SPAN fit une expédition en France pour suivre les traces
d'Alexis de Tocqueville. C'était sur le coup, une consécration d'un préjugé et du racisme. Par ce geste, C-SPAN mit de Tocqueville sur un piédestal
et l'Europe, en connaissance de cause, adorait son génie pendant plus d'un siècle.
Toutes ces théories vont tomber plus tard par la force des choses, graduellement, et après l'émancipation
générale des afro-américans aux Etats-Unis.
Weiner Marthone, considérations sur le livre d'Alexis de Tocqueville, Démocratie en Amérique.
À suivre...
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